lundi 4 août 2008

Un trop court été


Un trop court été

Ils se sont appartenus un trop court été. Un merveilleux été d’amour et de soleil, un été de tendresse, un été de siestes à l’ombre et de nuits blanches, un été parfait. Il n’y avait rien à ajouter et rien à retirer puisqu’ils étaient tous les deux. Tout était bonheur : la légère brise marine, les baignades, les brugnons juteux et les melons sucrés, le farniente sous l’ombre mouvante des arbres, les dîners en amoureux, les promenades sous les étoiles, les éclats de rire partagés, les baisers salés ou volés, les réveils sur le même oreiller, l’abandon d’une tête au creux d’une épaule, le bleu de l’océan, le parfum des fleurs, les gestes et les regards …

Ils pensaient avoir la vie devant eux … de préférence même l’éternité …

Que s’est-il passé ? Le vent d’automne était-il plus violent cette année-là, ou la vie plus intraitable ? Nul ne le saura jamais mais c’est solitaires, que leurs deux cœurs entrèrent dans le plus froid des hivers.

Elle a pleuré, lutté et sombré, s’est battue et débattue. Elle a écrit pour oublier et aussi pour ne rien oublier. Elle n’en parlait jamais, mais « lui » parlait sans cesse tout au long de ses journées.

Il a eu mal et s’est réfugié dans le travail. Il a essayé de se persuader que tout allait bien et parfois il arrivait presque à y croire. Il a rempli sa vie à ras bord de gens et d’évènements pour combler une seule absence.

Comment vivre sans espoir ? Comment survivre sans renier ses souvenirs, sans les ternir ? Comment sortir de longues nuits sans sommeil pour plonger dans la vacuité des journées ? Comment malgré et envers tout garder intacte la vague de tendresse qui submerge tout, quand le nom de l’autre s’impose, n’importe où … n’importe quand …

Le bonheur semblait enfui, mais l’histoire continuait, souterraine, secrète.

Ils ont tenu bon. Ils ont préservé les fantômes légers qui se mouvaient dans leurs mémoires. Ils ont pleuré aussi quand le doute et la solitude devenaient parfois trop forts.

De loin en loin, une rare lettre, un coup de téléphone précieux … remplis de mots anodins, qu’ils chargeaient de sens, faisaient revivre le soleil d’un été bien trop vite passé.

Et puis un jour, sans qu’ils s’y attendent, ils se sont retrouvés face à face dans la foule anonyme d’une grande ville étrangère. Le premier moment de surprise passé, elle s’est doucement approchée pour l’embrasser sur la joue et il a refermé ses bras sur elle pour un moment d’éternité.

Plus rien n’a existé alors, ni la beauté de la ville, ni la douceur de l’air, ni les gens qui se pressaient autour d’eux, ni le temps écoulé sans l’autre, rien à part ces deux corps qui se reconnaissaient, se ré apprivoisaient et reprenaient contact l’un avec l’autre sans se soucier du reste du monde. Ils ont fini par se séparer pour marcher ensemble d’un pas égal dans les vieilles ruelles de la ville.

Il l’a entraînée dans un jardin arboré. Là près d’une fontaine, au pied d’arbres centenaires, ils ont parlé avec des mots discrets de leur vie, de leurs doutes, de leurs blessures, de leurs certitudes, de ce qui n’a jamais changé … de leur amour.

Quand ils se sont séparés le lendemain matin, ils n’étaient pas redevenus les amoureux insouciants de l’été paradisiaque qu’ils avaient vécu. La vie ne leur avait prêté les clefs que temporairement. Ils savaient qu’ils souffriraient encore du froid et de l’absence et de cette impression indéfinissable d’être incomplet, mais ils savaient aussi qu’un fil aussi indestructible que fragile les relierait toujours. Qu’elle pouvait appeler son nom et que dans son ailleurs, il l’entendrait. Qu’il pouvait penser à elle, et qu’elle le saurait, à toute heure. Qu’ils pouvaient plonger dans leurs souvenirs ou rêver d’avenir et que ce serait vrai pour tous les deux …

Dieu ! Pourquoi cet été a-t-il été si court ?

6 commentaires:

Anonyme a dit…

La vie des hommes et des femmes...
Pas simple!
Heureusement que cela existe...

lady_en_balade a dit…

Peut être que ce serait moins beau, si c'était vraiment facile ... qui sait ?

Anonyme a dit…

J'avais à peine 25 ans, elle en avait déjà 15. Le hasard. Une rencontre. Rien de plus, et l'automne aussi nous sépara.
Puis un autre été vint, une nouvelle rencontre, un bien judicieux hasard.
Puis, d'autres étés après lui ...

J'ai 60 ans, elle en a toujours 10 de moins. Et nos étés sont devenus des années de bonheur, sont devenus une famille.

Maintenant, nous sommes grands-parents. Et notre vie n'en est que plus belle ...

J'ai beaucoup aimé votre texte : il m'a permis de me ressouvenir de ce premier et très chaste été d'il y a si longtemps.
Eté qui ne fut qu'un merveilleux prélude ...

lady_en_balade a dit…

Merci pour ce beau témoignage personnel, Richard ... j'espère que de nombreuses années de bonheur s'égrèneront encore pour vous deux !

Anonyme a dit…

Je crois que nous avons tous été un jour un de ces "il" ou "elle", je crois que nous avons nous tous encore quelque part dans notre coeur, un de ces "il" ou "elle", voilà pourquoi ton histoire est si belle : elle parle un peu de nous aussi...

Merci Lady pour ce merveilleux récit...

lady_en_balade a dit…

je pense que c'est un des plaisirs de lecture ... lire des mots qui éveillent des échos en nous ou qui correspondent à notre imaginaire ...

oui Krizalyd', nous avons tous, un de ces "il" ou "elle" au fond de notre coeur ...

bises !