mercredi 17 septembre 2008
Fin d'été
Fin d'été
Elle est allongée paresseusement sur sa chaise-longue. Un vol d’étourneaux piaille bruyamment dans le tilleul dont les premières feuilles jaunissent. Douceur d’une fin d’été dorée … Le livre qu’elle lisait git dans l’herbe. Elle s’offre aux rayons déjà obliques du soleil, espérant réchauffer aussi son cœur qui frissonne. Elle rêve … Elle sent tout à côté d’elle cette présence si familière.
Il lui suffirait de tendre la main pour le toucher. Elle pourrait presque frôler son bras, effleurer cette cicatrice qu’elle connaît si bien. Non, elle poserait doucement sa main sur sa joue, dessinerait légèrement l’arrête du nez, le contour des lèvres. Elle plongerait dans ces yeux débordant de tendresse. Il suffirait d’un rien pour que s’y allume cette lueur de désir qui l’attirerait dans ses bras plus sûrement qu’un aimant. Qui souderait leurs bouches l’une à l’autre dans un baiser, tendre, passionné, fou. Le genre de baiser auquel il est impossible de se livrer en public, une sorte d’amour avant l’amour.
Elle n’a rien oublié du goût de ces baisers là, de ses baisers à lui … de la force de ses bras autour d’elle, de l’infinie douceur de ses doigts qui dessinaient sa peau, de la plénitude de leurs étreintes et du bonheur serein de leurs moments après. Elle se rappelle de ses gestes, de ses paroles, de ses chansons préférées. Ni le temps, ni l’absence n’ont rien altéré, rien effacé. Tout est rangé un peu en vrac dans la chambre de ses souvenirs : une grande maison à la campagne, un canapé rouge, un vieux piano, un voilier blanc, des tonnes de livres, des poèmes qu’elle pourrait égrener un à un, des voyages, des fous-rires, des chansons qui trottent dans sa tête, des lettres, des balades en moto, des baisers salés aux embruns, des retours précipités à la maison, une plage au clair de lune et … une armada de papillons en folie dans son estomac … Elle ne doit pas continuer, il faut fermer la porte de cette chambre aux souvenirs, s’arque bouter contre le battant et tirer le verrou … il le faut … Mais les papillons ne se laissent pas facilement déloger de son estomac … Ils s’agitent comme s’il allait arriver d’une minute à l’autre au portail du jardin.
Elle ferme les yeux, s’obligeant à respirer calmement. Lentement la tension se relâche. Des larmes coulent doucement sur ses joues, embrumant le soleil de gouttes irisées. Elle entend à nouveau ce qui se passe autour d’elle : les oiseaux toujours aussi criards dans le tilleul, des rires d’enfants dans un autre jardin plus loin, l’horloge de l’église qui sonne quatre heures. Elle se sent soudain très fatiguée, elle aimerait dormir, s’évader vers un nuage cotonneux, blanc, silencieux qui l’envelopperait de douceur. Comme ses bras à lui. Dieu, que ses bras lui manquent ! Elle aimerait juste s’y lover, poser sa tête au creux de son cou, à sa place et s’endormir tranquille, heureuse. Elle se dit que décidément rien n’est plus épuisant que le vide.
Elle reste encore un moment somnolente et rêveuse dans sa chaise-longue. Elle sent toujours sa présence et ressent toujours le besoin de sentir ses bras autour d’elle. Elle sait qu’elle n’a jamais connu d’amour plus passionnel, plus fusionnel, plus charnel que celui-ci et pourtant quand elle pense à lui, ce qui revient en premier et ce qui lui manque le plus est sa tendresse. Profonde, enveloppante, essentielle … Un cocon … Elle se lève lentement et retourne vers la maison. Quand il est omniprésent comme maintenant, il n’y a qu’une chose à faire : elle s’installe à son bureau, sort un grand cahier à spirales, qui a déjà pas mal vécu et un prend un stylo. Et elle se met à écrire …
SW
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