Petit délire écrit dans une voiture qui filait sous une pluie battante sur l'autoroute ...
Et toujours le corsaire ...
Le déluge s’abat sur l’autoroute. Une voiture roule sous la pluie, petit bolide, parmi d’autres bolides lancés sur l’asphalte brillant. Sur la banquette arrière, une fille rêve… La route ondule, les nuages courent, se rattrapent et crèvent dans une presque nuit. La fille s’en moque. Dans son rêve, il y a de l’eau aussi : de l’océan. Elle sourit dans son demi-sommeil. Elle passe un doigt léger sur la joue rasée de près d’un séduisant corsaire. C’est ridicule ! Un corsaire n’est pas rasé de près … Elle se la rejoue. Elle passe donc un doigt léger sur la joue piquante d’un non moins séduisant corsaire … Mais que diable vient faire ce pirate dans cette voiture ?
L’autoroute est une nébuleuse. Chaque voiture dépassée est une comète de pluie, traînant sa queue brumeuse de fines gouttelettes. La fille s’endort pour de bon, bercée par le ballet des essuie-glaces.
Et revoilà le flibustier qui s’approche en souriant et vient frotter de façon fort impertinente son menton contre le sien. Son ton est moqueur et ses yeux pétillent quand il demande :
- Alors, Lady, vous n’aimez pas quand ça pique ?
Ladite Lady n’est pas chochotte à ce point, mais piquée au vif, elle répond un peu pincée :
- J’ai la peau délicate !
tout en pensant :
- N’importe quoi !
et en étouffant un sourire. Le corsaire disparaît dans un grand éclat de rire et elle se réveille un peu frustrée, comme si on l’avait lésée d’un baiser.
Les vannes du ciel sont toujours ouvertes. Les lumières des véhicules et le rideau vert des arbres sont les seules notes de couleur que l’on distingue dans ce gris mouvant. Elle tente de se concentrer sur le vert glauque des frondaisons derrière le rideau d’eau. La route monte et descend. Le bateau tangue.
- A l’abordage !
crie une voix. Les voiles claquent. Les épées cliquètent, la bataille fait rage sous la pluie tropicale …
- Ne faites pas de prisonniers. Passez les tous au fil de l’épée !
hurle la même voix.
Plus tard, on entend seulement encore le crépitement de la pluie et soudain elle le voit, ruisselant et riant, essuyer sa longue épée et son coutelas debout derrière le gouvernail.
- Mes lames vous intéressent, Lady ? Regardez celle-ci, c’est la plus belle, un vrai bijou ! Une dague, qui me vient d’un marchand vénitien.
- Ainsi, vous êtes donc pirate !
- Vous m’offensez ! Je suis corsaire du roi, je n’ai rien d’un vulgaire pirate !
- Je vous prie de m’excuser, je n’y entends rien. Mais puis-je vous suggérer de vous servir de votre dague pour vous raser ?
Décidément cela devenait une obsession. Elle n’avait qu’une envie effleurer cette joue et plonger dans ces yeux sombres et pétillants.
Comme si la pluie ne suffisait pas, l’orage arrive. Le ciel est d’encre. Zébré ça et là par le sourire carnassier d’un éclair. Le tonnerre roule comme le rire d’un ogre. Et toujours cette pluie battante. Au milieu des éléments déchaînés, le corsaire souriant frappe à la vitre arrière de la voiture et la silhouette hilare et trempée s’installe à côté d’elle. Le visage rasé de près, au regard infiniment tendre s’approche du sien …
Dort-elle ? Devient-elle folle ? Est-ce à cela que ressemble la cellule capitonnée d’un asile d’aliénés ? A la banquette arrière d’une voiture ? Qu’importe en fait, à condition qu’on l’enferme dans cette bulle avec ce séduisant corsaire …
2 commentaires:
Un vrai delice ... ça fait du bien ces moments d'évasion!
Oui, j'en reprendrais bien un peu ...
:-)))
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